AA-Francophonie
Groupe des Alcooliques Anonymes
tenant des réunions fermées par courriel
sur le mode de vie, les étapes et les Traditions
Je m'appelle B., je suis alcoolique et abstinente aujourd'hui parce que j'appartiens aux Alcooliques Anonymes.
Mes premiers contacts avec l'alcool datent de ma petite enfance, mon grand-père quand j'allais goûter avec lui
me faisait boire de l'eau avec du sucre et un peu de vin. J'adorais ça. Nous étions 4 petits-enfants, tous au
même régime, et je suis la seule à être devenue alcoolique !
Puis quand j'ai eu 12 ans, le jour de ma communion, ce fut un petit verre de muscat, et une coupe de champagne,
ce jour-là et chaque fois qu'il y avait une fête. Chez mes parents il y avait beaucoup de repas de famille, et
beaucoup d'invitations à l'extérieur ! Toutes les occasions étaient bonnes pour « arroser ça » !
Ma mère avait de gros problèmes de santé, elle était tout le temps malade, et le plus souvent c'était la femme
de ménage qui me donnait mon goûter quand je rentrais de l'école. J'habitais en ville, mais légèrement à
l'extérieur, je n'avais pas le droit de jouer dans la rue avec les autres enfants car ils n'étaient pas assez
bien pour nous (j'ai une soeur), je n'avais donc aucun copain, et notre seule copine était la voisine, qui était
plus la copine de ma soeur étant du même âge qu'elle. Ensuite j'ai vécu une adolescence difficile, me sentant
seule, rejetée tout le temps et par tout le monde. J'avais un an d'avance en classe (lycée de jeunes filles non
mixte), cela provoquait certaines jalousies peut-être, mais cela faisait surtout que j'étais beaucoup plus jeune
que la plupart des filles de ma classe. En seconde j'avais 14 ans ½ dans une classe où certaines élèves en
avaient presque 18 ! Elles avaient des petits copains, et elles « s'envoyaient en l'air » le week-end, fumaient
des joints, allaient en boîte alors que moi j'étais à peine sortie de mes Barbies !
À la maison ce n'était pas mon âge mais mes résultats, je n'avais jamais assez bien fait. J'étais toujours trop
ou pas assez : pas assez sage, trop bavarde, trop remuante, pas assez bonne à l'école. Quand quelque chose
m'aurait fait plaisir, il y avait toujours une raison de me dire pourquoi je ne l'avais pas mérité. Mon enfance
puis mon adolescence ont été constituées d'une suite de frustrations, petites frustrations, mais frustrations
quand même. Par exemple mettre ma robe rose à l'école, c'était non parce que j'allais la salir trop vite, avoir
des cheveux longs, c'était non, car je frisais et j'allais pleurnicher quand Maman me coifferait, avoir tel ou
tel vêtement c'était non car c'était moins « solide » que ce que ma mère nous tricotait (ou cousait), etc.
Quand j'ai eu dans les 15 ou 16 ans j'ai commencé à « grandir », je sortais le soir avec ma soeur (de 3 ans mon
aînée) et ses copains. Je les suivais dans leur consommation au Martini pour l'apéro, gin-fizz en boîte le soir,
ou sangria ou punch etc. C'est devenu l'alcool festif, l'alcool gai ; avec cependant parfois déjà l'alcool-refuge
quand par exemple mon petit copain me laissait entendre qu'il s'en « était tapé » une autre pendant mes
vacances : première cuite au whisky-coca à malade comme une bête. J'étais fiancée avec mon futur mari (et père
de mes enfants) qui, déjà à cette époque consommait «trop» d'alcool. Dans ma tête c'était à cause de sa mère,
mais avec moi il s'arrêterait ! Bel optimisme !
Nous nous sommes mariés au printemps en 1975, j'avais 19 ans, lui 21, j'étais enceinte de 2 mois, ma fille aînée
est née fin octobre. 3 ans après deuxième fille, le ménage allait couci-couça, mais c'était « socialement »
acceptable. Il rentrait souvent ivre le soir tard (il était artisan), mais je l'excusais en évoquant la
Sacro-sainte fatigue - heureusement que ce mot existe - que n'a-t-on pas fait sous prétexte de fatigue !
Pour moi le réflexe alcool n'était pas encore installé, mais en 1982 quand ma mère est tombée malade (elle
a eu une tumeur cancéreuse au cerveau) et que j'ai dû aller la soigner, j'ai commencé à me planquer pour boire.
Je buvais déjà à la bouteille dans les bouteilles du bar de mon père, un peu de tout ce qu'il y avait : whisky,
cognac, calva, armagnac, etc. et Dieu sait qu'il y avait le choix !
Une fois en repartant j'ai dû souffler dans le ballon, j'ai eu PEUR, il était 17 heures et je pensais bien que
je pouvais faire réagir le truc, mais non OUF ! Puis ma mère est décédée en 1984, j'ai eu ma troisième fille en
1985. Mon mari s'était calmé pour sa consommation de boisson jusqu'à la naissance, ou plutôt jusque juste avant
la naissance. Une semaine avant que j'accouche, il éclate la voiture sur le verglas avec 2.07 grammes d'alcool
dans le sang. Heureusement il n'était que très légèrement blessé. J'ai dû partir pour la maternité en
ambulance!
La période de 2 ans qui a commencé à ce moment-là je crois, a été le début de ma dépendance. Nous avions de
grandes difficultés financières : la comptabilité d'un artisan demande pas mal de rigueur, et j'en manquais
singulièrement, et lui encore plus ! Nous avons souvent eu les huissiers à la porte, et j'avais du mal à vivre
sans argent ! Pour l'attendre le soir, je prenais un verre et même plusieurs et même beaucoup ! Il a eu 5 mois
de retrait de permis, j'ai travaillé avec lui pendant cette période, et là c'était acceptable. Mais dès qu'il
l'a eu récupéré, il n'a plus voulu de moi. J'ai trouvé un boulot (je n'avais jamais travaillé auparavant) de
représentante, et me voilà partie sur les routes, libre comme l'air. Je bossais quand j'en avais envie, et
j'ai découvert une messagerie rose sur Minitel. J'en ai usé et abusé, pour rencontrer des hommes, qui je
l'espérais me donneraient plus de satisfactions au lit que mon mari !!! Je me suis même fait payer à plusieurs
reprises ! Tant qu'à faire, autant joindre l'utile à l'agréable ! Quelle honte j'en ressens encore
aujourd'hui !
Évidemment avant chacune de ces « rencontres » il fallait que je boive, je crois que à jeun je n'en aurais pas
été capable ! C'était du fort, whisky, cognac armagnac, au goulot, pour m'anesthésier la tête en fait. Un homme
entre tous m'avait fait tourner la tête s'il m'avait dit viens je t'emmène, je crois que j'aurais laissé tomber
enfants, mari et maison, sans réfléchir... il ne l'a pas dit, je ne suis pas partie.
J'étais de plus en plus dure avec mon mari, n'acceptant rien, étant perpétuellement sur son dos. Je lui posais
des ultimatums sans arrêt, pour lui dire que s'il n'arrêtait pas de boire, je... Et les disputes étaient
fréquentes, bruyantes, et même parfois violentes.
Une fois il avait terminé l'apéro du dimanche vers 15 h 30 et quand il mangeait, j'ai lancé sa bouteille de
vin avec l'intention d'atteindre la porte qui était derrière lui. J'ai raté mon coup, la bouteille est arrivée
sur sa tête, et s'est cassée sur son nez, il en porte encore la marque. Une autre fois je me souviens m'être
retrouvée par dessus lui, qui était couché par terre sur le dos, et moi assise sur lui en train de le bourrer
de gifles et de coups de poing Le lendemain je ne me souvenais même plus pourquoi ça avait commencé.
Sexuellement il n'y avait plus rien, je n'éprouvais plus le moindre désir pour lui, donc plus rien ne me liait
à lui. Je souhaitais le quitter, mais j'avais peur de me retrouver toute seule. Je n'avais pas de métier, la
maison était à nous deux, tant de choses me faisaient peur !!! ... j'avais 30 ans.
Pendant cette période, quand cet amant et moi avons cessé de nous voir, j'ai « déconné grave » : whisky et
Tranxène, à fortes doses, et en ne mangeant pratiquement pas. Ca n'a pas loupé, en 3 mois j'étais devenue
une loque, et après une syncope mon médecin m'a envoyée à l'hôpital de (un hôpital psychiatrique) pour soigner
ma dépression. Je crois qu'il n'a pas été dupe, mais il savait que j'en étais au tout début Après moult
hésitations j'ai accepté l'hosto pour deux semaines. Je m'y suis forcément sevrée (sans problème physique à
part quelques tremblements), mais surtout j'en suis ressortie galvanisée contre mon mari en lui disant que
s'il recommençait je divorcerais ultimatum supplémentaire). Cependant pendant mon séjour les médecins et les
infirmières m'avaient parlé des AL-ANONS. J'ai fréquenté leurs réunions pendant plus de 6 mois. Je leur ai
fait un jour une amende honorable, car je venais à leurs réunions en ayant bu, pour me plaindre de ce que
mon mari buvait ! Ce groupe m'a beaucoup aidée à ce moment, mais j'avoue que je n'avais strictement RIEN
compris au programme ! Même la prière de la Sérénité ne m'apportait rien ! Et pourtant !!!
En septembre il a recommencé, j'ai demandé le divorce, il a quitté la maison à la Toussaint, 3 semaines après
je « rencontrais » celui qui devait devenir mon second mari.
FIN DU 1er EPISODE
Mon premier mari avait mon âge, cet homme avait 14 ans de plus que moi. Il savait vivre, il gagnait bien sa
vie, il aimait les bons resto, les boîtes de nuit, les bons vins, et le bon whisky. Il avait plein de copains,
et il m'emmenait partout, tout le temps, et moi je laissais mes enfants seules à la maison. Il ne payait pas
ses impôts, il ne payait pas l'EDF, il oubliait les factures d'eau mais il achetait du bon whisky!
Après 3 ans d'une relation assez mouvementée on s'est marié, et les finances se sont arrangées : c'est moi
qui gérais. J'avais trouvé un autre boulot On buvait beaucoup ensemble, et moi toute seule, et lui tout seul.
Lui au bistrot avec ses copains de belote, moi toute seule à la maison, en attendant qu'il rentre le même
schéma, mais dans un écrin un peu plus rose. Pendant ce temps là mes filles poussaient sans moi Tant bien
que mal, comme elles pouvaient. Chacune avec des difficultés que je ne voyais pas, du moment qu'elles ne
me demandaient rien, cela me convenait très bien !
Pardon, mes enfants, j'ai vraiment l'impression de vous avoir abandonnées !
ors de mes cuites, avec ou sans lui, je retrouvais mes instincts violents. Une fois j'ai pris son fusil
(il est chasseur) j'ai mis 2 cartouches dedans, et parce qu'il s'était endormi trop tôt à mon goût, je l'ai
réveillé en le braquant Il est beaucoup plus costaud que moi, il a réussi à me désarmer. Une autre fois je
l'ai tellement fait chier, qu'il m'a tapé dessus avec une lampe torche, qu'il m'a cassée sur le crâne. Et
il y avait les chutes. Pendant un après-midi de congés, je m'étais endormie, (en fait je cuvais) et je suis
tombée du canapé tellement lourdement que je me suis fêlé deux côtes en me cognant sur le pied de la table.
J'avais toujours les genoux abîmés à force de « louper » des marches, ou des bordures de trottoir !!! Je
n'avais pas le sens de l'équilibre ! Je m'en plaignais en disant que je devais avoir un problème d'oreille
interne ! Quelle ironie !
En 1997 le verdict tombe pour mon mari : licenciement pour faute grave : présence sur le lieu de travail
en état d'ébriété ! C'était sûrement vrai, mais nous avons loué les services d'un excellent avocat et nous
avons gagné le procès au prud'homme. Cependant comme il avait déjà 55 ans, pas question de retrouver du
boulot, donc c'était des belotes du matin au soir dans les bistrots, des indemnités ASSEDIC qui baissent
très vite, et au bout d'un an avec à peu près 3.000 frf par mois (au lieu de 10.000) j'ai commencé à voir
rouge. L'intégralité de sa retraite militaire ne suffisait pas à payer ses ardoises.
Pendant toute cette période c'était l'alcool chacun pour soi. On buvait tous les deux mais plus ensemble.
On planquait chacun ses bouteilles ! Quelle joie quand je trouvais une des siennes, et cherchant la mienne,
dont j'avais oublié la cachette ! C'était à celui qui serait le plus ingénieux !
Un jour, ou plutôt un soir de « super-cuite », nous étions invités chez des amis, et nous y étions venus à
2 voitures. J'ai été tellement mauvaise, agressive, épouvantable, que mon mari est parti, il est rentré à
la maison. C'était en août. J'ai fait passer à mes filles et à mes amis une soirée terrible, j'étais plus
saoule que jamais. Je ne souviens plus du tout de tout ce que j'ai pu dire, sûrement des tonnes d'âneries.
Ma fille a conduit la voiture pour rentrer Le lendemain je me suis arrêtée de boire, complètement, toute
seule, sans réunion, sans personne à qui en parler. Je connaissais le principe des AA (plus d'alcool du
tout), mais sans avoir l'idée que c'était un jour à la fois. Pour toute ma vie cela m'a offert du champagne,
et je suis retombée le nez dans la bouteille... Quand 3 semaines après mon mari a « raté » l'anniversaire de
ma fille (ce soir-là je n'avais pas trop bu), en rentrant hyper-tard, et hyper-bourré, je lui ai dit qu'il
devait prendre ses dispositions pour aller habiter ailleurs, il n'a même pas cherché à me demander pour
rester. Le 1er mars 1999 il déménageait.
J'étais alors bien dépendant de l'alcool, et il m'arrivait déjà souvent de trembler toute la matinée. Je
ne buvais jamais au boulot Quoique J'emportais souvent du whisky dans une petite bouteille en plastique,
que je cachais dans ma boîte à gants. Je fermais à clef la boîte à gants pour ne pas être tentée de boire
en roulant ! Il fallait que je m'arrête pour boire au goulot. Quand je me suis retrouvée toute seule, j'ai
aussi retrouvé mon minitel, et toujours aves ma bouteille. Encore plus de whisky, encore plus 'hommes J'avais
mis ma maison en vente (j'habitais la campagne, et je voulais partir en ville), et il me fallait des
déménageurs ! Je rencontrais un homme différent chaque soir. Chaque fois avec tant de honte, qu'il me
fallait beaucoup d'alcool pour « accepter ». En fait j'acceptais plus facilement l'alcool que les hommes !
Je prenais ma voiture pour partir parfois au milieu de la nuit, en commençais toujours avec une bouteille
de whisky, puis c'était du blanc, ou du rosé en mangeant (si je mangeais), puis si j'en voulais encore,
c'était de la bière, ou je ne sais plus. Les quantités c'était énorme.
Fin juillet 1999 j'ai déménagé, et dans ma nouvelle maison, j'ai bien sûr continué à boire et à m'amuser
sur minitel. J'y ai rencontré un homme, très gentil, qui m'a fait rire, que j'ai invité chez moi (il n'avait
plus de tabac, et j'en avais). Il m'a raconté sa vie, et dans sa vie : les AA ; je l'ai écouté en finissant
mon verre de blanc, mais sans en reprendre un autre. J'ai fini la soirée au jus d'orange. C'était un lundi
soir, nous avons parlé toute la nuit, et il est reparti chez lui à 6 heures du matin. Le lendemain nous
nous sommes téléphoné, le mercredi, il m'a emmenée au restaurant, il a hésité mais m'a offert un baby.
Le jeudi je travaillais chez un client qui se situe à un heure de voiture de chez moi. C'était le mois
d'août, il faisait déjà très chaud à 9 heures du matin, et j'étais très mal quand je suis arrivée chez
ce client. J'étais pâle, je tremblais tellement... La dame très gentille m'a offert un verre d'eau... AH ce
verre d'eau ! jamais de ma vie je ne l'oublierai !!! L'eau était fraîche, le verre était plein de buée,
c'était un gobelet en plastique de 33 cl mais il était PLEIN ! Si j'essayais de le prendre j'allais le
renverser c'était sûr ! Je ne savais pas comment faire J'ai fait semblant de faire quelque chose au clavier
(je travaille en informatique), et enfin j'ai baissé au plus bas la chaise de bureau sur laquelle j'étais
assise, j'ai coincé le verre avec mes deux mains, et en bloquant mes coudes, j'ai PLONGE MON NEZ DANS LE
VERRE ! Je crois que jamais de ma vie je n'ai ressenti une telle honte !!! J'ai ensuite réussi à travailler
comme j'ai pu le matin. À midi la cliente m'invite à la pizzeria, et bien croyez-moi, après mon 1er verre
de rosé, je ne tremblais plus du tout Je n'avais rien décidé ce jour-là, mais c'était rentré dans ma tête.
Le « déclic » avait eu lieu. Il me manquait encore l'étincelle, elle devait se produire le surlendemain.
Le vendredi mon nouvel ami m'invite à nouveau au restaurant mais après avoir fait un petit détour par chez
lui je vous passe les détails j'étais déjà très amoureuse. Ce soir là je me suis contentée d'1/4 de rosé
en mangeant. C'était un miracle que je boive si peu, cela faisait plusieurs mois que cela ne m'était pas
arrivé !Le samedi j'avais invité ma soeur pour manger le soir, afin de lui montrer ma nouvelle maison, dont
j'étais si fière ! Elle a tout critiqué : c'était petit, c'était plein d'escaliers, c'était pas propre (les
papiers peints), etc. Rien n'allait. Quand ils sont arrivés j'avais déjà avalé presque ma bouteille, et
j'avais ce soir-là, comme souvent l'alcool triste. Quand ils ont été partis vers minuit j'ai appelé mon
ami, j'ai pris ma voiture, et je suis allée me précipiter dans ses bras. J'ai pleuré et je lui ai demandé
de m'emmener en réunion. Le lendemain était un dimanche, il y avait un réunion à 10h30, ce fut ma première
réunion, et ma première journée d'abstinence. C'était le 8 août 1999 : ma deuxième naissance. Je n'ai pas
retouché à une goutte d'alcool depuis.
FIN DU 2ème EPISODE
J'en arrive à l'épilogue, à la partie actuelle de mon histoire. J'ai donc posé le verre, mais les problèmes
étaient toujours là. Pour moi la partie physique du sevrage a été très facile, j'ai tremblé le premier jour
et c'est tout. Dès le début j'ai compris que c'était fini. L'obsession ne m'a vraiment pas cassé les pieds
longtemps. Je remercie ma Puissance Supérieure, car je sais que je n'aurais pas tenu le coup si j'avais du
avoir envie de boire. J'ai trouvé Dieu installé autour de la table et j'en ai pris une part, comme on prend
une part de gâteau. J'ai trouvé ça bon, et tous les jours je viens « au rab »...
J'ai appris à écouter et à être écoutée. J'ai appris que je ne pouvais pas être toute noire, ou toute
blanche. J'ai compris qu'il n'y avait que en AA que je pourrais dire certaines choses. Comment dire à
l'extérieur que « aujourd'hui je n'ai pas oublié de ma laver » ? Dans l'alcool j'avais perdu toute dignité,
et je suis en train tout doucement de le retrouver.
Ma maladie aujourd'hui n'est plus le problème d'alcool, il est beaucoup plus vaste C'est je crois un
problème de vide intérieur.
J'ai « retrouvé » Dieu, que j'avais depuis l'âge de 17 ou 18 ans. Je me suis réconciliée » avec Lui.
J'ai compris qu'Il n'était pas là pour me punir, mais pour me soutenir, si et seulement si je le lui
demande Et ça je ne dois pas l'oublier. Toute ma vie on m'a dit : « tais-toi », et quand je suis arrivée
chez les AA on m'a dit : « assieds-toi et parle, dis tout ce que tu veux, personne ne te jugera » C'était
magique, les autre m'écoutaient, ce que je disais semblait même intéresser les autres ; pour la première
fois de ma vie j'avais vraiment l'impression d'exister.
J'ai commencé à me poser des questions sur moi. Ce n'est pas toujours confortable, évidemment, mais c'est
écrit dans le programme Faire un inventaire moral minutieux La minutie n'a jamais été mon fort ! en plus il
fait le faire sans peur, j'ai la trouille de tout ce qui bouge, alors vous pensez bien remuer toute cette
boue, et je devrais faire tout ça sans peur ? Et bien oui, en fait je n'ai pas peur. J'apprends à reconnaître
mes défauts et à les accepter, mes déficiences pour tenter d'y trouver une parade, comme pour mes colères
J'ai beaucoup fait souffrir mes enfants, mes trois filles ont beaucoup souffert. L'aînée peut-être un peu
moins mais en fait je ne sais pas ! La deuxième est en train de se sortir tout doucement d'une anorexie qui
dure depuis plus de 6 ans, j'en porte une grosse part de responsabilité. Aujourd'hui j'ai accepté cette
responsabilité sans en ressentir TROP de culpabilité. Ma plus jeune à 16 ans a fait une tentative de suicide,
et est partie vivre avec sa soeur. J'avais déjà un an ½ d'abstinence, mais mes choix de vie ne lui convenaient
pas. J'ai en du mal à accepter de laisser partir « mon bébé » si jeune Maintenant qu'elle ne vit plus avec moi,
je pense que nos rapports sont plus sains. Je ne crains plus son jugement, donc je la « juge » mieux. Quand
je dis que je la « juge » mieux, il s'agit plus d'estime que de jugement. Je l'estime comme on estime un
objet d'art, en l'appréciant à sa juste valeur. Mes filles sont mes trésors. J'ai maintenant un 4ème trésor
dans la personne de mon petit-fils Paul, à qui je souhaite une vie pleine et heureuse. Rien ne reste en
l'état, il faut laisser du temps au temps, la vie selon AA est une école de patience.
Nous avons coutume d'utiliser l'expression « entrée en AA » ...
Cela me fait penser, et cela n'engage que moi, à l'expression « entrer en religion ». J'ai vraiment
l'impression d'être désormais à l'intérieur d'un TOUT, cette sensation d'appartenance, qui je crois,
m'a toujours manqué. Je veux que tout et tout le monde m'appartienne, mais c'est en fait que je souhaite
moi-même « faire partie »
Maintenant je « fais partie » du grand mouvement des Alcooliques Anonymes, j'y suis si bien, que je crois mes AAmis que vous n'avez pas fini d'entendre parler de moi.